Jour 47
Je m’imagine déployer des donjons et des architectures sur le papier pour me défouler mais rien ne sort, je ne peux rien imaginer, sans être en contact, sans me connecter à l’idée de me faire soulever par des mecs qui me ramasseraient en soirée, comme on ramasse au sol un cul de joint, ou un tract de manif, qui appellerait à saboter, les caméras, les drones, à se dissimuler. J’me contente de cette sexualité : être ramassé, par terre, comme un tract dans le sillage d’un cortège de tête, qu’une petite armée aurait imprimé en secret pour sa propagande, et qu’on aurait piétiné. Tu m’as mis dans ta poche et tu m’as laissé froissé, tu m’as retrouvé quelque temps plus tard en mettant ton short au lave-linge, je scandais des slogans cohérents faits de jeux de mots anti-capitalistes. Je n’ai pour m’évader que le spectacle d’un voisin à la nuque rasée qui fait des tours en trottinette sur le toit du parking, son tshirt décathlon qui laisse voir son torse gras des curly mangés devant la télévision, c’est tout ce que j’ai pour imaginer, je m’en contente, jm’en suis toujours contenté, de me laisser raboter par mes plaisirs voyeurs, mon fétichisme des mecs lambda qui tournent en rond au pied du béton d’un air perdu, des mecs qui portent des jeans choisis par leur meuf, des mecs Gilette, des mecs magnet qu’on colle à la porte du réfrigérateur, des mecs beignets d’oignons surgelés, corde à sauter, des mecs tupperware à réchauffer, j’ai rien sous la dent à sentir éclater, alors, je me contente du toit du parking où l’on fait des ronds, avant de pouvoir à nouveau imaginer sur le papier des donjons, des quêtes, des personnages à conquérir et des cités, piller des tombes, profaner des sépultures où gisent endormis des rois extraterrestres qui ont bâti il y a de ça des millénaires des pyramides dans la jungle pour que les hommes puissent s’y faire enculer.
Marguerin Le Louvier, 2 mai 2020