Jour 14
La recluse (je n’invente rien)
(…) Mais après que le soleil, suivi comme un berger par les nuages et par le peuple des naturistes qui se massent en rangs successifs a achevé de monter, il est midi, et tout ce qui occupe une dimension dans l’espace est enveloppé par l’esprit de feu, plus blanc que l’électricité. Le monde est effacé, les scellés de la fournaise brisés, toutes choses se sont évanouies. J’ouvre les fenêtres. Prisonnière de la lumière, je tiens le journal de ma captivité. Et maintenant, les doigts sur le clavier, j’écris, par une fonction assez similaire à l’araignée qui crache sa toile grâce aux mouches qu’elle dévore ; tantôt je glisse dans la chambre claire, de la cuisine au salon, où je suspends ma main sur le pied d’éléphant, à cette pièce nue, où se tient la table de travail. Fixée sur la barre clignotante qui ouvre les barreaux de ma prison hermétique, je nourris la pensée du végétal : comme il est enviable de se nourrir soi-même, d’absorber la terre par ses racines, le jour par sa photosynthèse, de manger sa propre lumière. (…)
Cécile Riou, 30 mars 2020