Les poèmes du confinement

Jour 41

Fatigue à l’apéro

Assises au bord du feu, on observait le monde libéral s’effondrer et Amazon construisait un empire. Bientôt il nous embaucherait toutes et les gens désespérés dans leur dépression neurologique et sad iront se fournir à même leur boîte aux lettres pour continuer d’accumuler des objets inutiles dans leurs intérieurs déjà encombrés. Je ne voyais pas d’issue à notre chute de libido et pornhub qui gentiment devenait accessible pour chacune d’entre nous, nous livrait gratuitement du porno hétérosexuel avec des bites partout et des chattes qui coulent blanc. Il était quinze heures et c’était déjà l’heure de l’apéro.

On s’asseyait donc comme d’habitude à la table du salon et moi je prenais la même place que les jours précédents, mais je sentais que ce n’était pas pareil et que quelque chose avait changé
C’était comme un ennui palpable et très encombrant qui me poussait à côté de ma chaise et je m’asseyais alors seule par terre malgré le fait que toute le monde continuait de boire à table
C’était hyper chiant parce que j’étais venue me confiner avec seulement un pantalon, je ne me changeais jamais et je portais toujours les mêmes fringues
Comme toute le monde faisait des allers-retours permanents avec l’extérieur tandis que le sol se cradait plus et plus, je me posais là à côté du groupe, incapable de m’intégrer
Assise en tailleur dans les miettes à côté de la table à côté des autres et de la sociabilité je buvais dans un mug le vin merlot du cubi Intermarché de la croix des pins

Alors Michelle Foucault dit tout haut en se marrant, les dents violettes de rouge « Chaque pandémie entraine automatiquement un resserrement autoritaire, en tous les cas donnera l’autorisation de contrôler encore plus le peuple!! » Elle avait raison, déjà que personne n’avait oublié comment ça se passait avant que ça tombe. Toutes dans la rue criaient à une volonté de mort de la police et voulaient abattre ce système de prison et d’enfer. Beaucoup avaient arrêté le travail pendant des mois pour signifier leur mécontentement et dénoncer ce système de chien qui ne fonctionne que pour les riches. Chaque moment de mondialisation capitaliste, y compris la phase actuelle qui nous plombe, s’accompagne de l’avilissement des femmes. Silvia Federici reprit un verre de chardonnay et précisa « Si le capitalisme a été en mesure de se reproduire, c’est seulement grâce aux inégalités dont il a tissé le corps du prolétariat mondial et grâce à sa capacité à mondialiser l’exploitation. Ce processus se déroule toujours sous nos yeux, comme il le fait depuis cinq cents ans. La différence c’est qu’aujourd’hui la résistance à ce processus est aussi parvenue à une dimension mondiale. Alors, comment on résiste ?»

Elodie Petit, 26 avril 2020