Les poèmes du confinement

Jour 49

Fantaisie d’intérieur

Vous seriez confiné. Auriez compagnie foule de jeunes gens, beaux et savants, peuplant votre intérieur, promenant leurs corps souples et à demi vêtus dans l’appartement
Leur douce peau frôlant la vôtre au détour des couloirs.

Ils s’alanguiraient les uns les unes, s’appuieraient nonchalamment aux chambranles, s’avachiraient dans la poussière sur le parquet de chêne, s’assoupiraient dans les canapés. Ils se baigneraient dans l’eau tiède et parfumée de la vieille baignoire émaillée, laisseraient leurs humeurs se mêler à leurs humeurs.
Leurs membres lisses et beaux visages nus se réfléchiraient dans les vieux miroirs tachés
Qui surmontent vos froides cheminées.

Certains regarderaient mélancoliquement la rue, toujours plus vide, au travers des bow-windows de votre chambre…
Et se tairaient, soupireraient, se cacheraient dans d’épais rideaux, rouges et lourds
Forcément de velours.
Et vous, régnant parmi eux, superbe et rayonnant.

Vous me dites non.
Que vous êtes seul, comme toujours.
Ce n’est qu’un caprice.
Mon imagination.

Bien sûr bien sûr une fantaisie. Vous-même existez si peu.

Judith Soria, 4 mai 2020