Quatrième station : «L’Art brut», rue Quincampoix
Au septante-sept les rideaux de fer sont tirés.
Dans la rue Quincampoix ne passe nulle voiture, à peine de temps en temps, et par grappes, quelques promeneurs le téléphone à la main.
Et tandis qu’au bar, une soupe croate accompagnée d’un mauvais synthé nous crache à l’oreille ses airs même plus à la mode, une habituée raconte sa vie dans les moindres détails au garçon qui feint l’intérêt.
La rue est traversée par un courant d’air assez frais, qui vient nous rafraîchir et remuer les branches de bambous plantés dans l’entrée.
Et tout à coup je me souviens d’un bar en Italie où nous nous étions réfugiés un soir de pluie ; je me souviens des marques de bières, du patron, presque de nos conversations.
Qu’a donc pu déclencher cette réminiscence ? J’espère tout de même que ce n’est pas
l’horrible variétoche qui passe à la radio.
Une seule cliente au comptoir
Mais bavarde
bien décidée à s’épancher
Auprès du serveur de l’autre côté
Qui fait son travail
faire la conversation
D’un air intéressé
Ça sert de faire des études d’art dramatique
Ça sert aussi d’être garçon de café
Dans un café à cliente unique
Bavarde parisienne blasée
Familière tutoyante
Tu vois genre putain
pour payer ses études d’art dramatique
Ci-gît Simon Labrosse
Gravé en capitales
Sur la table en bois
Au plateau épais
Sur laquelle j’écris
Il est formellement interdit
de descendre
dans les sous-sols
sans s’être muni d’une bougie allumée
placardé sur le comptoir
Vestige d’un temps où l’on craignait davantage
Les jambes cassées
Que les incendies
Moi j’ai vu des situations ici
Reprend la dame qui entretient maintenant le serveur sur son travail à l’Art Brut
Pauvre serveur qui commence sa journée
Et avale déjà un tel flot
D’inepties
Bon ben je vais en reprendre une pour fêter ça qu’elle continue et cætera