Maintenant que le Grand confinement de 2020 est terminé, nous republions ici le poème du chevreuil qui a été initialement publié en deux parties (aux jours 39 et 50 de nos poèmes du confinement), cette fois avec un moteur à fins aléatoires. Merci à Maxime et Florian sans qui cela n’aurait pu être possible.
Ce n’est pas très confinement correct mais
Depuis toujours tu adores les chevreuils
Alors ce matin tu vas dans la forêt avec ton fusil de chasse
Un trophée voilà de quoi occuper les heures
Que tu pourras coiffer d’une couronne ou d’un bonnet l’hiver
Tu pourras même y pendre ton manteau
Tu vois déjà son sourire quand tu le salueras le matin
Et que tu lanceras Chevreuil mon beau chevreuil
– Bon mais d’abord : en trouver un
Tu chausses tes bottes rutilantes
Tu mets ta veste noire parce que dedans tu as l’air super fort
Et le masque que tu t’es bricolé parce que quand même
Si tu tombais sur un pangolin
(Il paraît que c’est pas mauvais en ragoût)
Tu pars : la forêt est à trois minutes
Dans la lumière des phares les arbres ont
La couleur du café qui te reste sur l’estomac
Ta vue n’est pas très bonne mais tôt matin l’heure l’est pour croiser l’animal
Tu plisses les yeux pour ne pas le rater
Derrière chaque feuille qui bruisse (qu’est-ce qu’il y en a !)
Il peut y avoir une bestiole
Ou un gendarme à l’affût
Manquerait plus que ça – déjà que – Bon, se concentrer
Faire le tri dans tous ces drôles de bruits
Et prendre à pied ce chemin qui descend
En pente douce et vers l’obscurité
Merde tu aurais dû prendre un chien, c’est ce qui se fait non ?
Même un sans flair contre la jambe ça rassure
Le caniche de Jeannine aurait très bien fait l’affaire – bon
Mais ils se sont séparés, ils n’ont pas supporté la promiscuité
– Tiens ça bouge par là : pan !
Pan ! Cela résonne drôlement dans l’air et dans ta tête !
Et devant toi : du sang ! Du sang !
Samuel Deshayes et Guillaume Marie, mai 2020