Alors voilà, la saison 3 des Histoires pédées s’achève, et avec elle toute la collection puisqu’elle sera la dernière. Nous aurons mine de rien édité, publié, distribué quinze petits livres, à environ 200 exemplaires chacun. Ce n’est pas rien et on sort comblés et heureux de cette année pédée.

La première fois avec Antonin qu’on a parlé de littérature érotique homo – je me souviens qu’on était au jardin du Luxembourg – on s’est surtout dit que celle qu’on souhaitait lire n’existait pas. Que celle qui existait était soit masturbatoire et pas tellement littéraire, soit littéraire mais triste. Pour être bien clair, quand on disait : littéraire mais triste, on pensait à Guillaume Dustan. C’est d’ailleurs intéressant ce qui se passe aujourd’hui parce que Dustan revient à la mode, son œuvre est rééditée, relue. Des jeunes homos la découvrent. Elle fait même des petits.

Eh bien avec Antonin, c’est exactement non pas cette façon d’être homo, puisque de ça on s’en fiche, mais cette esthétique, qu’on n’aime pas lire. Une langue froide et prétentieuse, tout en étant ironique par dégoût. C’est exactement contre ça qu’on a pensé les Histoires pédées. Pas du tout contre le retour en grâce de Dustan, mais pour nous permettre de lire des textes bandants qui nous semblaient plus intéressants. Et donc, non pas gays, mais pédés, comme l’a très bien résumé Antonin. C’est-à-dire, en gros, des textes débarrassés d’un mal-être ou d’une violence qui seraient scotchés irrémédiablement à la sexualité non-hétéro. Des textes solaires. Mais solaires-cul. Il était important pour nous que les histoires ne soient pas que de purs récits autobiographiques (1), qu’ils ressemblent de près ou de loin à des contes, un genre plus ouvert (et donc moins autocentré) qui autorise tout, d’un point de vue de l’écriture et de la narration – un genre basé sur la rencontre et la magie.

J’aurais adoré découvrir l’existence de tels petits livres quand j’étais étudiant et que je venais à Paris faire le plein de bouquins aux Mots à la bouche (et c’est bien sûr pour celui que j’étais – et m’imaginant qu’il reste encore aujourd’hui des gens comme j’étais – que je me suis lancé là-dedans).

Chacun de nos livres est un manifeste de cela, et particulièrement les livres bonus qui réunissent plusieurs auteurs : là, on s’amuse, on crée ensemble, on mélange de la poésie et des charades, des microfictions et des dessins. Le petit succès qu’on a connu m’incite à me dire qu’il y a une place pour cette littérature pédée.

Plusieurs personnes m’ont demandé enfin pourquoi arrêter là cette collection. La raison est simplement parce qu’on a vécu cela comme une expérimentation. Nous ne sommes pas éditeurs et Pou n’est pas une maison d’édition. Nous avons voulu nous frotter à cette expérience et c’était bien chouette, mais on veut aussi écrire chacun nos textes, lancer d’autres projets. Il n’empêche qu’on risque tout de même de ressusciter la chose un jour ou l’autre, sous une autre forme.

En attendant, la troisième saison sort tout juste de presse, elle est belle, elle sent bon le sable chaud, et j’espère bien que vous nous en direz des nouvelles.

(1) Même si bien entendu tout est vrai dans le Poulpe de la mer Ligure.